Les collisions frontales

Tout sur les collisions frontales

Les collisions  frontales constituent actuellement la cause la plus fréquente d'accidents très graves, par exemple à Ploudaniel 3 tués frères et soeur,  à Montcenis : 6 tués de 19 à 24 ans - à Montboissier le 30 avril : 4 morts puis d'autres. Plusieurs aspects sont à considérer dans les collisions frontales : le choc lui-même qui tue ou blesse, les raisons de la déviation d'une des voitures, les possibilités d'évitement, les mesures à prendre et les aménagements à réaliser pour éviter qu'une collision frontale se produise et les moyens pour en réduire la gravité si la collision se produit.

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D'abord le choc.

Un choc centré contre une autre voiture est en fait une décélération brutale qui, en un dixième de seconde, fait passer de la vitesse de circulation à la vitesse zéro. Lors d'un tel choc, la valeur de la décélération encaissée par la voiture est proportionnelle au carré de la vitesse : c'est une loi physique immuable, indiscutable. Il en ressort que pour un choc à 80 km/h la valeur de cette décélération est seulement les 3/4 (exactement 0,79) de celle qui serait subie par la voiture lors d'un choc à 90 km/h. Cette différence est amplifiée par le fait qu'à 80 km/h la vitesse sera plus fortement abaissée avant le choc par un début de freinage. Il est donc justifié de considérer qu'à 80 km/h la décélération encaissée par la voiture est les 3/4 de celle encaissée à 90 km/h.

En ce qui concerne maintenant la valeur de la décélération subie par les occupants eux-mêmes, à l'intérieur de la voiture, elle est amoindrie par le limiteur d'effort de la ceinture de sécurité, par l'éventuel airbag et par le fait que la partie avant de la voiture se déforme et absorbe une partie du choc.

Après prise en compte de ces diverses diminutions, il subsistera dans les deux cas (80 et 90), une décélération résiduelle que subira le corps des occupants, sa valeur se situe dans la zone de 20 g (soit 200 m.s-2) pour une vitesse initiale de 90 km/h et dans la zone de 15 g (150 m.s-2) pour une vitesse initiale de 80 km/h. (g étant la valeur de l'accélération de la pesanteur = 9,81 m.s-2). Il est établi que pour une décélération supérieure à 20 g subie par le corps humain, il n'y a pratiquement aucune chance de survie car, pour une telle décélération, les viscères (poumon, cœur, etc.) sont projetés sur la paroi de la cage thoracique, de même le cerveau heurte violemment la paroi frontale du crâne. Il s'ensuit des dégâts structurels de ces organes et des hémorragies internes qui entrainent généralement la mort. Inversement, pour une décélération limitée à 15 g, les blessures ne sont en général pas mortelles ni définitives. La différence entre une vitesse de 90 et une vitesse de 80 ne se traduit donc pas par une proportionnalité simple de 8/9 en nombre de morts, mais par un basculement d'une situation de mort vers une situation de survie, en passant de 90 à 80 on franchit une frontière.

En deux mots, le 90 est mortel, le 80 est salvateur.

Ceci ne constitue aucunement une surprise et se confirme dans la réalité lors des accidents pour lesquels il y a une gradation dans les dégâts et il est courant de lire par exemple dans les comptes-rendus des médias : "Trois blessés dans une collision frontale" (près de Nantua – 2 avril 2019), ou au contraire : "la collision a fait 6 morts" (accident de Montcenis 1er avril 2017). détails sur Les collisions frontales et sur Deroulement d une collision frontale

 

Crash test 64 km h texte

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Abordons maintenant les raisons de la déviation. Après l'analyse du choc, le deuxième aspect à considérer dans une collision frontale est la raison de la déviation : lors d'une telle collision, un des deux véhicules a dévié et s'est porté sur sa gauche. Il peut y avoir plusieurs raisons ; l'endormissement par exemple, ce qui est fréquent au retour de discothèque à quatre heures du matin (fatigue, bruit, alcool). Ce peut être un comportement dangereux : un dépassement trop risqué ou un virage à droite pris à trop grande vitesse, ce qui déporte la voiture sur sa gauche du fait de la force centrifuge, ou un conducteur originaire d'un pays où l'on roule à gauche. La cause de la déviation peut être aussi une route glissante en cas de forte pluie, ou l'éclatement d'un pneu d'un camion, ou un malaise cardiaque ou le brouillard ou l'éblouissement par le soleil. Mais lorsque, comme à Montcenis, l'accident se produit à une heure où l'on n'est pas sujet à la fatigue, sur une portion de route droite, sans pluie, sans soleil, sans brouillard, que les conducteurs ne sont pas d'âge à avoir un malaise cardiaque et qu'aucun  n'effectuait un dépassement,  il reste une cause possible : le regard qui a quitté la route pour envoyer ou recevoir un SMS ou pour régler tactilement la radio ou le GPS ou tout autre organe qui antérieurement se réglait en pressant un bouton, ce qui ne nécessitait pas de quitter la route des yeux.

D'autres distracteurs, dont les constructeurs de voitures sont de plus en plus friands sont des informations inutiles, données en texte sur les écrans (par exemple "passez la 3ème") et qui nécessitent trois secondes de lecture, soit 75m à 90 km/h. Cette cause de perte de vision de la route, due à ces inepties, va monter en puissance dans les prochaines années et faire monter en flèche le nombre d'accidents par collision frontale que les occupants de la voiture venant en face paieront de leur vie, alors qu'ils ne sont nullement responsables.

En ce qui concerne l'accident de Montcenis, il faudra vraisemblablement attendre plusieurs mois pour que les autorités judiciaires rendent publiques les raisons de la déviation d'une des voitures. D'après les autorités ce serait  la Golf qui aurait dévié sur sa gauche mais, faute d'être équipé de boite noire, il faut être prudent pour l'affirmer car on ne peut pas préjuger des réactions des conducteurs, il est parfois arrivé en effet que voyant que la voiture adverse a complètement dévié sur sa gauche, un conducteur, dans un geste de survie incontrôlé, ne voit d'autre issue que de se diriger vers la seule place laissée libre sur sa gauche au moment où malheureusement l'autre décide d'y revenir, alerté par ses passagers. (Raisons de déviations de trajectoire relevées dans la presse : 24 raisons de deviations possibles )

Concernant les collisions frontales en général, d'autres points particuliers méritent d'être abordés.

D'abord la possibilité d'éviter la collision au moment où l'on s'aperçoit que la voiture adverse commence à dévier vers vous : à cet instant on dispose seulement d'une ou deux secondes pour réagir : freiner peut-être, mais surtout serrer le plus possible à droite en mordant d'un mètre sur l'accotement, ce qui est possible si cet accotement est dérasé et un peu gravillonné, donc roulable.

Ce déport suffit parfois pour éviter la collision  avec la voiture adverse, je l'ai fait deux fois dont une fois où les rétroviseurs se sont touchés. Cette manœuvre d'évitement est d'autant plus facilement réalisable que notre vitesse est faible : à 80 km/h une voiture se dirige mieux qu'à 90, je l'ai testé plusieurs fois. Dans de telles conditions extrêmes, la différence de maniabilité est réelle, d'où l'intérêt de rouler à 80 km/h dès qu'un doute se profile.

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Un point qui doit être explicité : lors d'un choc frontal, les vitesses ne s'additionnent pas : un choc de deux voitures (de même masse) qui se heurtent frontalement en roulant chacune à 90 km/h ne compte pas comme un choc à 180 km/h, contrairement à une idée reçue les vitesses ne s'additionnent pas : pour le comprendre, imaginons qu'au dernier moment avant le choc, on place une feuille de papier entre les deux voitures, la feuille ne bougera pas : elle n'avancera ni ne reculera. Par contre, si l'une des voitures est nettement plus légère, l'énergie du choc est répartie en sa défaveur, surtout si, en plus, il s'agit d'une voiture ancienne (exemple une  2 CV ou une 4L) où le choc est peu amorti par la partie avant déformable. Sur ce point je pense en particulier aux dangers des "rallyes 4L".

Dans le cas extrême d'une collision d'une voiture et d'un poids-lourd, tout devient différent car après le choc, le poids-lourd, du fait de son poids, fera reculer la voiture à une certaine vitesse (vitesse résiduelle). Prenons le cas d'une voiture qui roule à 90 km/h et d'un poids-lourd qui roule à 70 km/h : la vitesse résiduelle de l'ensemble "camion- voiture" sera par exemple de 60 km/h, c’est-à-dire que dans le choc le camion aura perdu seulement 10 km/h et la voiture aura subi une vitesse de choc 90+60= 150 km/h ce qui provoque une décélération (valeur du choc) très supérieure à 300 ou 400 m/s².

En clair, une collision frontale contre un poids lourd ne laisse aucune chance de survie : dès le moindre soupçon visuel sur la trajectoire du camion (par exemple pneu avant gauche qui éclate) ralentir, freiner et s'apprêter à prendre l'accotement (Collision contre poids lourd photos)

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Saulvaux 25 juillet 2014 110 ko

Qu'en est-il des valeurs des chocs entre deux voitures de masses ou vitesses différentes. La différence de masse entre deux voitures bénéficie à la plus lourde : ses occupants subissent un choc moins violent. En ce qui concerne la différence de vitesse entre deux voitures de même masse, cette différence n'avantage ni ne désavantage aucune des deux : la décélération (violence du choc) est identique pour chacune des 2 voitures.

Trois mesures ou aménagements que l'on peut concrétiser pour réduire le nombre et la gravité des collisions frontales. Les 600 tués par an par les collisions frontales coutent tous les ans quatre milliards (vous avez bien lu milliard) d'euros à la société française et provoquent des milliers de drames familiaux (perte d'emploi, divorces, dépressions, perturbations scolaires des enfants, ...). Clairement, la première mesure évidente pour réduire le nombre et la gravité des collisions frontales est d'abaisser à 80 km/h la vitesse maximale autorisée sur les routes bidirectionnelles : la vitesse de 90 est socialement et financièrement contre productive : la société perd beaucoup plus qu'un très faible gain de temps pourrait le laisser espérer. Deuxième mesure : interdire et rendre impossibles, lorsque la voiture roule, TOUS les écrans, tous les distracteurs visuels liés à la voiture ou individuels, dont les GPS, les SMS, et les indications sur l'écran du tableau de bord censées être des " aide à la conduite" mais qui sont en fait des "aides à l'accident". Troisième point d'amélioration : transformer les principales routes bidirectionnelles en routes à 2 x 1 voie : une voie dans chaque sens, séparées par un terreplein équipé de glissières en béton, en ménageant de temps en temps des créneaux de dépassement pour doubler les poids-lourds du fait que leur vitesse est limitée à 80 km/h.

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 Calcul 90 80

 

Jacques ROBIN Ingénieur routier - Accidentologue

L'auteur accueillera favorablement toutes remarques jacques-marie-robin@wanadoo.fr